Vents fous

Vent fou dans les arbres dorés,
Tornade pour les cœurs empâtés !
Certes au printemps naquirent des émois
Mais l'été pesant, épais et plat
A peine nés, les brûla.
Vent fou, tu les réveilles !
Plus vifs, moins frêles.
Décidés, vaillants, les cœurs se redressent,
Rêves solides bien ancrés, aptes à lutter,
Nous étions adolescents de printemps,
Pâles, naïfs et dolents.
Nous nous crûmes mâtures, croquant l'été,
L'amour, les réussites ; en un mot gavés.
Vous nous vivifiez !
Que s'envolent nos secs atours,
Que ne restent pour toujours
Que le socle de nous même,
Résistant aux vents d'automne,
Pour mourir épurés, nobles et fiers
Dans le creux de l'hiver.
Vents fous sur nos vies,
Tourbillons et tempêtes,
A vous je répète :
"Eternels mercis".
Illustration : Contre le vent, 1907-1908, huile sur toile de Jean-Julien Lemordant.