Le prétexte
Quand tu étais petit garçon,
Tu refusais de dire pardon
Et t'enfermais dedans ta chambre,
Comme un âne qui se cambre.
Patiente, ta mère te laissait faire.
Et puis, guettant ton accalmie,
Sous un prétexte plus ou moins fin
Te recueillait contre son sein,
Passait une main dans tes bouclettes
Et te disait « mon gros malin,
Ne crois-tu pas que ce serait mieux
De vite boucler cette histoire-là ? »
Petit garçon naïf, heureux,
Tu ne saisissais pas très bien
Que c’était grâce à son câlin
Que ton cœur jusqu’alors fermé
Avait quémandé un pardon.
Ce soir ta femme te dit, comme elle t'a dit hier
Et puis avant hier, qu’elle est fatiguée.
Et toi, mari généreux et dévoué,
Tu lui souhaites Bonsoir, lui dis de ne pas s'inquiéter
Des enfants, du ménage, du lave-vaisselle à vider.
Tu couches les uns, t’attelles à l'autre,
Prends même plaisir à vider le troisième
En sifflotant une vieille rengaine.
« Je suis fatiguée. »
Ne vois-tu pas le prétexte ? Elle n'a que faire de ton aide.
Elle voudrait que tu viennes, tendre et repentant ;
Recevoir ses tendresses et son pardon.
Tu ne sais plus bien pourquoi, tu ne te sens pas coupable,
Mais apprends à traduire « je suis fatiguée » en « je voudrais te parler ».
Peut-être est-ce elle aussi qui voudrait reposer contre ton sein
Ou embrasser ton épaule sur qui elle fait tant reposer ?
Elle voudrait te dire « mon grand chéri,
Ne crois-tu pas que ce soir,
On doit boucler quelques histoires ? »
Fort mari, naïf, orgueilleux,
Ne saisis-tu toujours pas bien
Que c’est souvent par un câlin
Que dans les cœurs trop fermés
Peuvent jaillir les pardons ?